Handicap : la diversité est source de richesse
18 novembre 2021 | Dossier : handicap
Comment accompagner les employeurs à développer le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap ? Dans le cadre de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, la CFTC s’est entretenue avec Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de la question du handicap.
Quelle est votre définition de l’entreprise inclusive ?
Une entreprise inclusive est une entreprise qui a compris que la diversité est source de richesse pour toute organisation et s’attache avant tout aux compétences de ses salariés, quelle que soit leur situation.
Sur le champ du handicap, l’entreprise inclusive veille ainsi à l’insertion dans l’emploi des personnes en situation de handicap mais également à leur maintien en poste, facteur de performance organisationnelle et sociale.
Elle intègre ainsi les trois dimensions du handicap en entreprise. Premièrement, l’enjeu salarial qui est de maintenir les collaborateurs en emploi et en bonne santé, accompagner les transitions professionnelles pour raison de santé et permettre la progression des collaborateurs en situation de handicap. Deuxièmement, l’enjeu social qui est celui de créer un climat de confiance parmi ses salariés, améliorer le dialogue social, renforcer le sentiment d’appartenance au bénéfice de l’ensemble des collaborateurs. Plus largement, en sensibilisant le collectif de travail au handicap elle contribue à construire une société inclusive, véritable enjeu sociétal.
Afin de développer ce modèle vertueux, la mobilisation générale des entreprises en faveur de l’emploi des personnes handicapées constitue une priorité. C’est pourquoi le secrétariat d’Etat a lancé le Manifeste pour l’inclusion, une action commune qui rassemble aujourd’hui plus de 130 entreprises convaincues que la performance sur la durée s’appuie sur la diversité des équipes et donc engagées dans une démarche volontariste en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap.
Comment faire baisser le nombre de salariés licenciés pour inaptitude ?
Rappelons d’abord que les salariés en situation de handicap ne peuvent être licenciés en raison de leur état de santé ou de leur handicap. Il incombe ainsi à l’employeur de prendre toutes les dispositions pour permettre aux salariés handicapés de conserver leur emploi en mettant en œuvre les adaptations nécessaires (aménagement du poste de travail, de horaires…).
Le licenciement pour inaptitude ne peut être envisagé qu’en dernier recours, si aucun aménagement n’est possible et que le handicap du salarié ne lui permet pas de conserver son emploi, même à un autre poste. Il ne doit en aucun cas être l’horizon pour des salariés confrontés à un handicap en cours de carrière.
Afin de limiter les licenciements pour inaptitude, il convient d’abord de sensibiliser et former les RH au fait qu’assurer le maintien dans l’emploi nécessite de l’anticipation et que des signaux clés doivent les alerter comme la multiplication des arrêts maladies, des absences ou retards injustifiés. Ces signaux doivent conduire à une intervention en amont, associant l’ensemble des acteurs et notamment les professionnels de santé et des services de santé au travail. Afin qu’ils soient en capacité d’identifier les bons outils, nous avons veillé à inscrire leur formation sur le handicap dans la loi visant à améliorer la prévention en santé du 2 août dernier.
Le secrétariat d’Etat est également investi pour accompagner les employeurs à développer le maintien dans l’emploi car nombre d’entre eux sont encore démunis face au handicap. Nous développons ainsi l’emploi accompagné, dispositif qui fait intervenir un job coach expert pour accompagner l’employeur et le salarié dans la mise en places des adaptations. En parallèle, la nouvelle convention signée avec l’Agefiph renforce l’offre d’accompagnement avec le déploiement de conseillers dédiés directement au sein des entreprises. Enfin il est fondamental de poursuivre les actions de sensibilisation pour lever les préjugés attachés au handicap. Les situations de handicap sont tellement diverses que tout poste peut être compatible avec un handicap.
Comment voyez-vous le rôle des Comités sociaux et économiques (CSE) pour l’insertion et le maintien en emploi des personnes handicapées ?
Bien entendu, il est nécessaire d’inclure ces questions au cœur du dialogue social et c’est aux Comités sociaux et économiques d’assurer ce rôle de vigie. Le handicap doit systématiquement être abordé dans le cadre des négociations obligatoires sur la qualité de vie au travail, la gestion des emplois et des parcours professionnels comme la loi le prévoit.
En matière d’insertion, le CSE peut s’investir pour le lancement d’un plan d’action handicap en invitant la direction de l’entreprise à s’engager dans une politique handicap structurée et en étant pleinement associée à la construction d’une feuille de route fixant des objectifs précis en terme de sensibilisation du personnel, d’emploi mais aussi d’achats inclusifs.
S’agissant du maintien en emploi, le CSE, du fait de sa relation privilégiée avec les représentants syndicaux, doit être en veille pour repérer les situations à risque. N’oublions pas que 80 % des handicaps sont invisibles ! Trop souvent, les salariés en situation de handicap n’osent pas parler de leur handicap et la compensation permanente de ces troubles invisibles provoque parfois des variations de performance au travail pouvant aller jusqu’au burn-out. Il appartient ensuite au CSE de participer à la dynamique pour créer des solutions et suivre la situation.
La CFTC milite pour qu’une journée de formation sur le handicap soit désormais intégrée à la formation des élus CSE prise en charge par l’employeur. Que pensez-vous de cette proposition ?
Compte tenu de l’importance du sujet en entreprise, il est primordial d’informer et de sensibiliser largement aux multiples enjeux du handicap. C’est pourquoi nous avons veillé à ce qu’un référent handicap formé soit présent dans toutes les entreprises de plus de 250 personnes.
S’agissant plus particulièrement du CSE, instance clé pour investir la question du handicap au travail, il est important que les élus soient bien formés à la réponse aux spécificités du handicap. Je sais pouvoir compter sur l’implication des employeurs à cet effet et je soutiendrai toutes les propositions qui pourraient être faites dans cet objectif essentiel.
Propos recueillis par Jean-Michel Tessier et François Cosker
Photo : DR