Exposition aux pesticides : comment mieux protéger les fleuristes ?
8 novembre 2024 | Conditions de travailSocial
Début octobre, on apprenait qu’une ancienne fleuriste, Laure Marivain, avait obtenu la reconnaissance par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) d’un lien de causalité entre l’exposition aux pesticides liée à son ancienne activité, et la leucémie de son enfant, décédé en 2022. De quoi alerter sur les dangers de l’exposition aux produits phytosanitaires des fleuristes, qui restent encore très méconnus. Informations, critères d’indemnisation, protections requises : la CFTC explique ici comment les exploitants et travailleurs horticoles peuvent mieux se protéger et prévenir leur exposition à ces risques professionnels.
Début octobre, une enquête menée par France Info et le Monde révélait que le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) était arrivé au bout d’une procédure inédite : pour la première fois, il reconnaissait l’existence d’un lien de causalité entre l’exposition aux pesticides d’une mère, fleuriste pendant sa grossesse, et la maladie de son enfant, décédé en 2022. Le FIVP actait donc l’exposition professionnelle aux pesticides de toute une catégorie de travailleurs : les fleuristes. Un risque néanmoins méconnu par la plupart des professionnels du secteur. Pour la CFTC, il est donc plus que jamais nécessaire de mieux sensibiliser, informer et davantage protéger les métiers de la fleur à ces problématiques de santé au travail.
Visibiliser les risques
Les fleuristes, comme l’ensemble des travailleurs de la filière horticole, sont en effet régulièrement en contact avec des résidus de pesticides présents sur les fleurs coupées. Néanmoins, ils n’en sont que peu, voire pas du tout informés. Dès 2018, une étude belge avait pourtant révélé la présence de plus de 100 résidus de pesticides différents sur des bouquets de fleurs et sur les mains des fleuristes, ainsi que 70 résidus de pesticides dans leurs urines (parfois, dans des concentrations préoccupantes pour la santé). De fait, les réglementations usuelles sur les résidus de pesticides ne concernent pas les fleurs. La législation européenne prévoit en effet une limite maximale de résidus des pesticides autorisés (LMR) pour les produits d’origine animale ou végétale qui sont destinés à la consommation humaine ou animale. Les fleurs, non-comestibles, n’appartiennent pas à cette catégorie et ne se voient ainsi pas imposer de LMR.
Par ailleurs, près de 85% des fleurs vendues en France sont importées de pays producteurs où les réglementations sur l’usage des pesticides – dont certains sont interdits en Europe – sont faibles. Or, selon une consultation menée par la Commission européenne en 2021, les états réalisent « seulement un contrôle limité » des pesticides dans les fleurs. Les bouquets et produits floraux en tous genres peuvent ainsi exposer les professionnels du métier – et toute la chaîne de valeur jusqu’aux consommateurs – à une dose résiduelle de produits phytosanitaires, pourtant strictement interdits au sein de l’UE.
Opérationnel depuis 2020, le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) a pour mission de venir en aide aux personnes souffrant de maladies graves liées à une exposition professionnelle aux pesticides. Avant la création de cette instance, l’indemnisation des victimes de pesticides se faisait plutôt au cas par cas, et nécessitait de nombreuses démarches administratives, souvent longues et complexes.
Le FIVP vise donc avant tout à faciliter et accélérer l’indemnisation des victimes, tout en simplifiant les procédures. La reconnaissance de maladie par le FIVP ouvre ainsi droit à une prise en charge à 100 % des soins et au versement d’une indemnisation. En outre, les enfants exposés aux pesticides durant la période prénatale (par la mère in-utero ou par le père avant conception) disposent eux aussi d’un droit à une indemnisation forfaitaire.
Informer et protéger les fleuristes
Les fleuristes représentent, en somme, une catégorie de travailleurs à risque non informés, qui travaillent le plus souvent sans protections. Pour y remédier, la CFTC estime qu’il faudrait intégrer l’ensemble des métiers de la filière (fleuristes, jardiniers etc…) aux politiques publiques de santé au travail, concernant les pesticides. Très concrètement, il s’agirait, en premier lieu, de sensibiliser les divers acteurs de la santé au travail (organismes publics, syndicats et représentants du personnel, médecine du travail etc…) aux risques encourus par la présence de produits phytosanitaires dangereux non contrôlés sur les fleurs coupées. Charge ensuite aux acteurs de la santé au travail d’informer et former les fleuristes à ces enjeux, ainsi que de participer à aménager l’environnement de travail des professionnels concernés : on pourrait, entre autre exemples, songer à introduire le port obligatoire de gants adaptés (norme EN ISO 374) et de masques lors de la confection des bouquets, s’assurer de la bonne ventilation des locaux et systématiser le recours à des vêtements de travail adéquats, en vue d’éviter aux fleuristes de ramener des agents chimiques à leur domicile.
Un suivi médical plus rigoureux et régulier des travailleurs pourrait également être mis en œuvre: ces travailleurs sont d’ailleurs le plus souvent des travailleuses, jeunes, pour lesquelles la grossesse constitue une période critique, les fœtus en développement étant très vulnérables aux pesticides. Rappelons, au passage, qu’une grande majorité de fleuristes travaillent dans des TPE: dans ces petites entreprises, salariés comme patrons sont souvent exposés aux mêmes risques professionnels. Toutes les parties prenantes du dialogue social ont donc intérêt à agir vite, pour préserver la santé au travail de l’ensemble des acteurs du secteur et de leur famille.
Agir pour une meilleure prévention et réparation des risques chimiques
Pour mieux protéger les fleuristes – et plus largement l’ensemble des professions exposées aux pesticides – la CFTC milite également pour une réintégration des risques chimiques au compte professionnel de prévention (C2P). Depuis 2017, cette catégorie de risques – prétendus trop difficiles à évaluer – ne fait en effet plus partie des critères permettant d’ouvrir des droits au C2P. Ce renoncement à prendre en charge l’exposition à des agents chimiques dangereux pénalise des milliers de travailleurs : pour rappel, le C2P permet aux salariés exposés à certains facteurs de risques professionnels de se former pour s’extraire d’une exposition, de réduire leur temps de travail ou d’anticiper leur départ en retraite (jusqu’à deux ans). La CFTC défend ce mécanisme de compensation/réparation, mais privilégiera toujours les actions de prévention primaire : la suppression de l’exposition.
Enfin, notre organisation demande à ce que le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) propose, à l’instar du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), une réparation intégrale des préjudices : aujourd’hui, cette indemnisation est seulement forfaitaire selon un barème, en fonction de la nature et de l’étendu des préjudices personnels et économiques subis.
AC