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Assurance-chômage : luttons contre les idées reçues sur les demandeurs d’emploi

2 mai 2024 | Emploi & MobilitéSocial

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Le 22 avril, le gouvernement a annoncé vouloir durcir les règles d’indemnisation pour les allocataires de l’assurance-chômage, à partir du 1er juillet 2024. Cette nouvelle réforme du régime, à laquelle est opposée la CFTC, viserait à inciter les chômeurs à plus activement chercher du travail. Quitte à entretenir de nombreux clichés et lieux communs sur les demandeurs d’emploi, qui, en réalité, sont déjà nombreux à travailler. A cet égard, il convient de rappeler quelques données et chiffres essentiels concernant ces travailleurs précaires, qui – faute de trouver un emploi stable – multiplient les allers-retours, entre périodes d’activité et de chômage.

Ces dernières années, le gouvernement a mis en œuvre plusieurs réformes de l’assurance-chômage : en 2021, la durée de travail minimum pour toucher des allocations était notamment passée de 4 à 6 mois sur les 24 derniers mois, quand la dernière révision du régime, actée en 2023, a en pratique baissé de 25 % la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi (du moins, tant que le taux de chômage reste inférieur à 9%). Un durcissement des règles d’indemnisation que le gouvernement assume, en avançant qu’il permet de progresser vers le plein emploi. Une nouvelle révision du régime, à laquelle la CFTC est opposée, devrait ainsi être mise en œuvre, dès le 1er juillet 2024.

Une baisse des chiffres du chômage à relativiser

Pour notre organisation, ces réformes successives de l’assurance-chômage n’ont, en premier lieu, pas permis de faire redescendre le taux de chômage autour de 5%, soit l’objectif que s’était fixé le chef de l’Etat. Si le taux de chômage est effectivement passé de 8,1 à 7,2% de la population active entre 2019 et 2022, un récent rapport de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) indique qu’il n’est pas possible de prouver que cette baisse est principalement liée aux différentes réformes des modalités d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Elle pourrait, en effet, simplement résulter d’une amélioration de la conjoncture économique.

Outre leur impact contestable sur l’emploi, ces baisses de droit – qui fragilisent plus particulièrement les travailleurs précaires – peuvent également entretenir un certain nombre de lieux communs à leur endroit : prétendre (comme semble le suggérer le gouvernement) qu’un système d’indemnisation trop généreux n’inciterait pas à la reprise d’emploi peut en effet favoriser une stigmatisation populiste des chômeurs, très éloignée des réalités du marché du travail.

Près de 2 millions de demandeurs d’emploi travaillent déjà

A cet égard, il peut s’avérer utile de rappeler quelques statistiques sur les personnes inscrites à France Travail, et sur celles qui touchent une allocation chômage. Au troisième trimestre 2023, il y avait 6,1 millions de demandeurs d’emploi inscrits à France Travail. Parmi eux, seulement 3,7 millions étaient éligibles à l’assurance-chômage. Il est par ailleurs fondamental de rappeler que de nombreux allocataires de l’assurance-chômage travaillent (même s’ils peuvent être toujours à la recherche d’un autre emploi). Etre pris en charge par le régime n’est en effet pas pour autant synonyme d’inactivité : ainsi, à la fin du 3e trimestre 2023, 51 % des allocataires pris en charge par le régime (soit environ 1,9 million de personnes) avaient travaillé au moins une partie du mois, tout en étant inscrits à France Travail. 

On peut donc douter qu’un durcissement des règles de l’assurance-chômage – qui viserait à inciter les chômeurs à rechercher plus activement un travail stable – puisse permettre d’atteindre le plein emploi. D’abord, parce qu’en moyenne près de deux millions d’allocataires de l’assurance-chômage travaillent déjà (même s’ils subissent souvent des modalités d’emploi précaires, en enchainant les CDD et/ou les contrats à temps partiel). Ensuite, parce qu’il existait moins de 350 000 emplois à pourvoir en France au quatrième trimestre 2023. Dit autrement : l’offre d’emplois est très loin d’être à la hauteur de la demande de travail des français.  

Vers une nouvelle fragilisation des salariés précaires

Il est aussi important de signaler que de nombreux allocataires du régime – du fait de la précarité des emplois qui leur sont proposés – alternent les allers-retours entre période d’activité et de chômage. Ces personnes en contrat temporaire expriment un taux d’insatisfaction très élevé vis-à-vis de leur situation professionnelle : selon des données de la DARES publiées en octobre 2023, près de trois quarts des salariés en CDD et intérim expliquent n’avoir pas choisi ce type de contrat, quand 85% éprouvent un motif d’insatisfaction par rapport à leur emploi (ce chiffre n’étant que de 32% pour les travailleurs en CDI). Ces salariés subissent donc leur précarité professionnelle et sont manifestement demandeurs de contrats de travail plus pérennes. Pour la CFTC, il est donc d’abord crucial de s’interroger sur la qualité des emplois et des contrats de travails qui leur sont rattachés.

Décider – comme l’a annoncé le gouvernement – d’une nouvelle refonte de l’assurance- chômage ne répondrait donc en aucun cas à ces besoins : une nouvelle baisse de la durée d’indemnisation exposerait même probablement ces travailleurs précaires – qui n’ont que peu ou pas accès au CDI – à alterner davantage les contrats courts et les périodes de chômage, sans leur permettre de stabiliser leur situation sur le marché de l’emploi.

                                                                                                                                          AC

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