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15 heures d’activité obligatoires, accompagnement renforcé : que penser de l’expérimentation de la réforme du RSA ?

4 septembre 2024 | Emploi & MobilitéSocial

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Aujourd’hui expérimentée dans une cinquantaine de départements, la réforme de l’accompagnement introduit l’obligation pour les allocataires du RSA d’effectuer 15 heures d’activité œuvrant à leur reprise d’emploi. S’il a pu susciter la controverse, ce nouvel impératif semble jusqu’ici s’adjoindre d’un renforcement des effectifs et mesures d’accompagnement alloués aux bénéficiaires du RSA, facilitant ainsi leur reprise d’activité. Prévue à partir du 1er janvier 2025, la généralisation de ce dispositif à toutes les personnes qui recherchent un emploi interroge néanmoins la CFTC, sa mise en œuvre effective exigeant des moyens financiers et humains importants.

Issue de la loi sur le plein-emploi du 18 décembre 2023, la dernière réforme de l’accompagnement introduit notamment pour les allocataires du RSA une obligation d’activité de 15 heures hebdomadaires. Une restriction qui a pu légitimement questionner les partenaires sociaux. A ce titre, la CFTC s’interrogeait notamment sur la nature des heures d’activité soumises aux bénéficiaires de l’allocation.

Un renforcement global de l’accompagnement

L’expérimentation de la mise en œuvre de ces 15 heures obligatoires, aujourd’hui effective dans 47 départements, a néanmoins permis d’obtenir de premiers éléments de réponse, comme l’atteste Fréderic Belouze, nouveau chef de file CFTC sur les questions d’emploi/chômage : « La CFTC n’était pas nécessairement contre l’idée de tester ces 15 heures d’activité. Néanmoins, il nous semblait crucial que cette obligation ne prenne pas la forme d’un travail gratuit, dont puisse bénéficier les entreprises. Il fallait plutôt qu’elle se traduise par un renforcement des dispositifs de retour vers l’emploi, pour les allocataires du RSA. ». Un prérequis jusqu’ici respecté :« Après plusieurs mois d’essai, on constate que l’expérimentation a très largement porté sur un renforcement des heures d’accompagnement. (formation, participation à un atelier, visite d’un salon professionnel…) »

La mise en œuvre de ces 15 heures d’activité obligatoires est, par ailleurs, adaptable aux besoins des territoires et des allocataires : « Il ne faut pas interpréter ces 15 heures au sens littéral du terme, mais plutôt comme un système de forfait, explique la présidente de la CFTC emploi, Sylvie Amblot. Répondre à une offre d’emploi, « valide », à titre d’exemple, 3 heures. Ensuite, ces 15 heures sont modulables (en fonction de l’employabilité et du parcours de la personne, ainsi que des décisions du département) : c’est un objectif vers lequel on veut tendre, mais tous les allocataires du RSA n’y sont pas mécaniquement soumis »

Généraliser, mais avec quel budget ?

Les premiers résultats observés semblent, par ailleurs, plutôt concluants : selon les chiffres de France Travail, 42 % des 28.000 bénéficiaires du RSA entrés en parcours sur les 18 premiers territoires entre le printemps 2023 et fin avril 2024 ont retrouvé un emploi, dans les territoires où la réforme est expérimentée. Des territoires qui ont en outre bénéficié d’un renforcement des moyens financier et humains, alloués aux allocataires du RSA. « Dans la plupart des expérimentations, ce sont des salariés de France Travail en CDI qui ont été chargés de suivre les bénéficiaires du RSA, explique Sylvie Amblot. Pour s’occuper des autres demandeurs d’emploi, les départements concernés ont disposé d’un complément budgétaire, pour recruter des postes en CDD. »

Alors que la réforme doit se généraliser à l’ensemble du territoire à partir du 1 er janvier 2025, la question de son financement et de sa mise en œuvre effective se pose : « On verra ce qui sera inscrit au prochain projet de loi de finances, mais on sait qu’il est prévu de soustraire plusieurs millions d’euros de budget à France Travail, décrypte Sylvie Amblot.Sauf surprise, nous n’aurons donc pas ou plus de CDD quand l’expérimentation sera globalisée. » Le cas échant, France Travail n’aura probablement pas les moyens de maintenir la qualité de services et le taux de retour vers l’emploi dont ont bénéficié les allocataires du RSA, lors de cette période d’expérimentation.

C’est l’une des problématiques de cette réforme : on se concentre sur une catégorie de demandeurs d’emploi – les bénéficiaires du RSA – mais que fait-on des autres ?

Le renforcement des moyens alloués pour l’accompagnement des bénéficiaires du RSA lors de cette phase test a par ailleurs produit certains déséquilibres: si les conseillers suivant les allocataires du RSA se sont vus confier des portefeuilles allégés – de 50 à 70 personnes – ce n’est pas le cas de ceux qui s’occupent des autres catégories de demandeurs d’emploi (comme les chômeurs de longue durée et les bénéficiaires de l’Allocation de solidarité spécifique) : « Ces conseillers s’occupent souvent de portefeuilles de 200 à 400 personnes, pointe Sylvie Amblot. C’est l’une des problématiques de cette réforme : on se concentre sur une catégorie de demandeurs d’emploi – les bénéficiaires du RSA – mais que fait-on des autres ? La réalité, c’est qu’on observe un effet de vases communicants. »

De grandes disparités territoriales

Cette expérimentation d’un accompagnement harmonisé pour toutes les personnes sans emploi vise aussi à renforcer la coordination des différents acteurs de l’insertion, de la formation et de l’emploi sur tout le territoire (missions locales, associations, conseils départementaux et régionaux). Le cas échéant, les antennes locales de France Travail sont souvent tributaires de la décision du conseil départemental de leur territoire, qui décide vers quel organisme sera orienté chaque allocataire du RSA. « Dans certains départements, comme celui du Nord, les retours sont très positifs, avec une coopération des acteurs qui est très efficace et limpide » se réjouit Sylvie Amblot.

Localisée, la gestion des parcours sociaux reste cependant très hétérogène : « Le département de la Somme a par exemple fait le choix de majoritairement s’occuper de personnes relativement proches du retour à l’emploi, précise Sylvie Amblot. D’autres catégories de personnes, dont certaines ont beaucoup de freins périphériques à la reprise d’une activité professionnelle (problèmes de logement, de santé, d’addictions…), se sont vues orienter vers les conseillers de France Travail. C’est un problème, car ces derniers ne sont pas formés au traitement de ces problématiques sociales. » Pour Fréderic Belouze, les imperfections de cette expérimentation ne sont pas nécessairement rédhibitoires, même si la généralisation du dispositif au 1er janvier 2025 peut sembler précipitée : « Je pense qu’il nous faudrait notamment un retour d’expérience des bénéficiaires du RSA, pour mieux jauger l’ensemble et corriger ce qui doit l’être. A mon sens, il aurait fallu continuer d’expérimenter, avant d’éventuellement globaliser ce procédé. » Ainsi que des moyens budgétaires à la hauteur des ambitions d’une réforme qui a semble-t-il ses mérites, comme ses limites.

AC

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