80 ans de la Sécurité sociale : Pérenniser notre modèle social, c’est préserver le vivre-ensemble
10 octobre 2025 | Social
Crée suite aux ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, la Sécurité Sociale fête ses 80 ans cette année. Aujourd’hui encore, elle fait la fierté de la France, en lissant les inégalités et en accompagnant les citoyens face à la maladie, au chômage et aux accidents de la vie. A l’occasion de cet anniversaire, la CFTC revient sur l’histoire et les acquis sociaux majeurs induits par la Sécurité Sociale, ainsi que sur les grands enjeux liés à sa préservation et sa modernisation.
Crée suite aux ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, la Sécurité sociale, qui fête ses 80 ans cette année, est la pierre angulaire du modèle social français. Pour marquer le coup, le Conseil économique sociale et environnemental (CESE) organisait une table ronde ce jeudi 9 octobre, avec l’ensemble des partenaires sociaux. Léonard Guillemot, représentant de la CFTC au Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, a pu y présenter la vision que la CFTC défend en vue de préserver ce dispositif, qui organise et structure depuis tant d’années la solidarité nationale.
Une certaine idée du vivre-ensemble
Avant de décliner cette vision, il convient d’abord de rappeler le rôle crucial qu’a jouée la Sécurité sociale, dans la structuration de la société française. A ce titre, opérons d’abord un bref retour en 1945. Au sortir de la seconde guerre mondiale, une bonne partie de la France est en ruines: la mortalité infantile est très élevée, la plupart des personnes âgées ne touchent aucune retraite et la grande pauvreté a explosé. La situation est grave, mais, en à peine deux ans, le gouvernement provisoire de la République française va appliquer une série de réformes qui vont transformer en profondeur la France d’après-guerre.
La plus importante de ces réformes, c’est la création de la Sécurité sociale, un dispositif pensé et conçu à partir de 1943 par le Conseil National de Résistance (CNR). Ce CNR, qui a dirigé et coordonné la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale – porte une vision progressiste de la société, qui veut voir les citoyens et leurs représentants transcender leurs divergences, pour bâtir un avenir plus juste. Parmi les membres fondateurs de ce CNR, et donc de la Sécurité sociale, on retrouve la CFTC et son président Gaston Tessier, qui avait fait son entrée dans la Résistance dès 1940.
Une grande assurance collective et universelle
Cette Sécurité sociale façonnée par le CNR prône une certaine idée du vivre-ensemble : elle peut, en somme, se comprendre comme un modèle d’assurance collective qui protège les individus lorsqu’ils sont en situation de faiblesse (maladie, vieillesse) ou ont besoin d’assistance et d’appui, du fait des aléas de la vie (par exemple, suite à la naissance d’un enfant). Pour financer ce filet de sécurité collectif, les entreprises et les salariés versent une cotisation, cette somme étant modulée en fonction des niveaux de rémunération de chacun.
Aujourd’hui, l’action de la Sécurité sociale est par ailleurs articulée à travers 5 branches, qui couvrent et indemnisent chacune une catégorie de risques :
-La branche maladie
-La branche accidents du travail et maladies professionnelles
-La branche vieillesse
-La branche famille
-La branche autonomie
Pointons, enfin, que la gouvernance de la Sécurité sociale avait à l’origine été confiée aux syndicats et représentants du patronat. Aujourd’hui, ces représentants constituent encore l’essentiel des conseils d’administration des caisses de la Sécurité sociale et gardent un certain pouvoir gestionnaire. Néanmoins, les grandes orientations budgétaires de la Sécurité sociale sont désormais décidées annuellement par le Gouvernement et le parlement.
L’inévitable question budgétaire
C’est justement le budget de la Sécurité sociale, et donc ses modalités de financement, qui interroge régulièrement aujourd’hui. Si ce débat n’est pas nouveau – dès 1950, un quotidien de l’époque évoquait déjà le « trou de la Sécurité sociale » – il est indéniable que la première source de recettes de la Sécurité sociale, à savoir la cotisation, ne suffit plus à garantir son équilibre financier. L’allongement de la durée de vie comme la baisse de la natalité a notamment réduit le nombre d’actifs cotisant par retraité, alors même que les pensions de retraite constituent le premier poste de dépenses de la protection sociale.
Pour la CFTC, la gestion de la Sécurité sociale doit intégrer ces évolutions démographiques, tout en s’adaptant aux grands défis du siècle : la transition écologique, la dépendance, la dégradation de l’environnement, etc… Pour ce faire, elle doit préserver et se recentrer sur sa mission matricielle : celle d’une assurance sociale collective. A ce titre, notre organisation a souligné plusieurs points majeurs au CESE, ce jeudi 9 octobre :
D’abord, notre organisation pointe la nécessité de préserver les ressources de notre modèle social, qui sont garantes de son équilibre budgétaire. Elle interroge notamment la légitimité et l’efficacité de certains allégements de cotisations, dont bénéficient massivement les entreprises. « Ces allégements sont estimés à 75 milliards d’euros par an en 2025, la plupart d’entre eux étant accordés aux entreprises sans contrôle, ni contrepartie » rappelle Léonard Guillemot. Si la CFTC considère qu’il est normal de voir l’Etat accompagner les employeurs, elle milite pour que ces exonérations de cotisations sociales soient « conditionnalisés » : c’est à dire, qu’elles soient attribuées aux entreprises seulement si elles respectent certains critères et objectifs sociaux et économiques (par exemple, en terme de maintien et création d’emplois ou d’égalité femme-homme) ou encore environnementaux.
Par ailleurs, la CFTC a relevé que certains mécanismes de régulation de l’accès au soin comme les franchises médicales – si ils s’entendent dans leur finalité – ne doivent pas être dévoyés. Il ne faut notamment pas qu’ils se transforment en instrument purement comptable de financement de la Sécurité sociale (comme l’envisageait une récente proposition du gouvernement, qui visait à doubler les franchises médicales).
Éduquer sur les bienfaits du modèle social
Enfin, la CFTC a évoqué la nécessité d’instruire et d’éduquer les citoyens sur le fonctionnement et l’ensemble des besoins et risques couverts par la Sécurité sociale. Car la Sécurité sociale n’est pas immortelle. Comme la République, elle vit du soutien des citoyens. Il faudra notamment maintenir la confiance des jeunes générations dans notre modèle social. « Il est donc fondamental de rappeler et expliquer aux assurés sociaux que cotiser n’est pas un prélèvement fiscal, mais un acte citoyen, explique Léonard Guillemot. C’est un geste de solidarité au service du bien commun, dont on bénéficie tous à moment ou un autre : personne n’est immunisé à la vieillesse, à la maladie, aux accidents de la vie. La Sécurité sociale nous aidera tous à divers moments de notre existence. » A ce titre, la CFTC plaide pour une éducation sociale et civique renforcée dès l’école : elle permettrait de transmettre cette culture de la responsabilité et du partage, indispensable à la pérennité de notre Sécurité sociale.
Malgré les défis et la complexité inhérents à son fonctionnement, la Sécurité sociale n’est pas un système abstrait. Elle déploie, au contraire, une solidarité puissante, concrète et active. Huit décennies après sa création, la force de sa promesse initiale demeure d’ailleurs intacte : contribuer selon ses moyens, recevoir selon ses besoins.
AC