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Attaques contre les prisons : « Les agents pénitentiaires veulent pouvoir faire leur travail dans des conditions dignes et sécurisées »

8 mai 2025 | Conditions de travailSocial

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Confrontées à des problèmes structurels de surpopulation des détenus et de sous-effectif des agents pénitentiaires, les prisons ont été au cœur de l’actualité ces dernières semaines. Notamment du fait des annonces de Gérald Darmanin, ministre de la Justice, qui a annoncé la création de « super-prisons » d’un genre nouveau pour les narcotrafiquants, ainsi que de 3000 places supplémentaires pour les détenus. Ces annonces ont été suivies par d’inquiétantes attaques visant à intimider les administrations pénitentiaires, et donc l’Etat. Ces agressions ont tout particulièrement impacté les personnels de ces administrations. Des agents et adhérents CFTC du Syndicat Libre Justice (SLJ), qui représente les personnels pénitentiaires, témoignent.

Début mars, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a révélé la prochaine transformation de deux sites pénitentiaires, en prisons de haute sécurité. L’objectif : isoler au sein de ces enceintes 200 narcotrafiquants et autres détenus dangereux. Suite à ces annonces, les établissements pénitentiaires et certains surveillants ont été victimes d’une succession inédite d’attaques, le ministère de l’Intérieur ayant dénombré fin avril plus de 60 actes de violences et faits visant diverses prisons et leurs agents. Une offensive massive, dénoncée par communiqué par la CFTC – SLJ, qui représente les agents pénitentiaires : « Agents menacés ou pris à partie en dehors de leur service, véhicules personnels incendiés, postes de garde et murs d’enceinte visés par des tirs ou des engins incendiaires… Où est la réponse de l’État? »

Des “super-prisons “ qui interrogent

De fait, c’est la sécurité même du personnel pénitentiaire qui pose question, le projet de « super-prisons » du ministre de la Justice n’étant pas exactement de nature à rassurer les professionnels du métier. Notamment du fait des sites choisis par la puissance publique : « Il y a pour projet de transformer les prisons de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et de Condé-sur-Sarthe (Orne)… explique un délégué syndical CFTC, qui souhaite rester anonyme pour des raisons évidentes de sécurité. Mais, à titre d’exemple, la prison de Vendin n’a pas connu le moindre incident depuis 2018 et tournait jusqu’ici très bien…Les agents ont un peu l’impression qu’on vient casser tout ce qu’ils ont su construire, pendant tant d’années… »

Si certains veulent croire que le choix de Vendin-le-Vieil vient récompenser le savoir-faire des surveillants pénitentiaires, la CFTC-SLJ est plus circonspecte : « Nous sommes formés pour un certain type de public, spécifique à cette prison : nous travaillions jusqu’ici sur des profils liés au terrorisme, aux radicalités. Mais que va-t-il se passer si on incarcère 100 dealers ensemble, sur un même site ? Vont-ils s’opposer, ou s’associer et mutualiser leurs moyens ? Ces narcotrafiquants convoquent d’autres problématiques… »

De grandes carences sécuritaires

A ce titre, les syndicats ont demandé des formations spécifiques et adaptées aux nouveaux besoins des agents. La première qui leur a été proposée portait sur « les risques corruptifs ». « Ça en dit long sur la perception des agents» regrette le délégué syndical CFTC. Les personnels pénitentiaires demandent ainsi davantage de reconnaissance et de considération, salariale et statutaire : « Aujourd’hui, les agents sont obligés de faire des centaines d’heures supplémentaires, pour espérer avoir un pouvoir d’achat décent…reprend le représentant de la CFTC-SLJ. Nos dimanches travaillés ne sont même pas payés double… Ce n’est pas acceptable. En outre, nous demandons à ce que soient mobilisés des moyens qui nous permettent de faire notre travail, dans des conditions dignes et sûres. »

A ce titre, le transfert sécurisé des prisonniers n’est pas toujours garanti. Trop de carences sont ainsi pointées par les syndicats : l’évasion d’un détenu au péage d’Incarville le 14 mai 2024, qui avait provoqué la mort de deux agents pénitentiaires assassinés par un commando, fut tragiquement illustrative des insuffisances matérielles avec lesquelles doivent composer les professionnels du métier. Lors des transferts de prisonniers, la CFTC-SLJ demande à ce que le Pôle de rattachement des extractions judiciaires (PREJ) puisse s’appuyer sur des véhicules blindés et une capacité à riposter en cas de tentative.

Trop de détenus et trop peu de surveillants

La sécurité des agents n’est cependant que la partie émergée de l’iceberg des difficultés du métier. Pour rappel, les prisons françaises sont confrontées à une surpopulation chronique: près de 82. 000 détenus ont ainsi été recensés au 1er avril 2025, pour environ 63.000 places, selon les statistiques du Ministère de la Justice. Ceci entraîne une densité carcérale globale d’environ 129 % (avec des pics à plus de 200 %, dans certains établissements). Plus de 4 000 détenus doivent aujourd’hui dormir sur des matelas au sol. Des conditions évidemment indignes pour les détenus, mais qui impactent aussi largement les agents pénitentiaires. Les conditions de travail sont difficiles, avec des horaires lourds, un univers très hiérarchisé et un environnement tendu, ce qui complique les recrutements. La CFTC-SLJ estime que plus du tiers des nouvelles recrues démissionnent, avant de finir leur première année.

Pour redonner de l’attractivité au métier et fidéliser les agents, la CFTC-SLJ porte les propositions suivantes :

– Une meilleure reconnaissance statutaire

– Une hausse des rémunérations (prime de risque, meilleure prise en compte des heures supplémentaires…)

–  Construire des prisons pour limiter la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de travail

– Améliorer la sécurité des agents dans et hors de la prison.

–  Améliorer le rythme de travail et la conciliation des temps de vie

Les agents pénitentiaires ne sont pas de simples « gardes de prison ». Ce sont des piliers du système judiciaire. La CFTC continuera ainsi de militer pour que leur soient accordés le respect, la protection et la reconnaissance qui leur sont dus.

                                                                                                                                        Paul Mercier

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