Pas de sortie de crise sanitaire et économique durable sans l’Europe !
30 mars 2020 | Social
Par Cyril Chabanier, président confédéral
L’un des principaux foyers de l’épidémie, sinon le principal aujourd’hui, se trouve être l’Europe. Pas expert en la matière, je me garderai bien d’expliquer pourquoi et comment les choses sont ainsi faites. On entend et on lit ici ou là que les autorités publiques nationales, européennes auraient pu, auraient dû faire ceci plutôt que cela, le tout avec plus d’anticipation. La CFTC n’ira pas sur ce terrain, elle sait combien la critique est aisée quand on n’est pas aux affaires ! Parce que la critique est utile quand elle est constructive et qu’elle regarde devant, on doit en revanche tirer certains des premiers enseignements de la crise pour « mieux agir ensemble » demain.
On peut, par exemple, constater et regretter les « retards à l’allumage » dans les solidarités européennes. L’Italie a dû s’en remettre à l’autre bout du monde pour s’approvisionner en masques et en respirateurs quand ses plus proches voisins, faisant mine de ne pas l’entendre, reconstituaient leurs stocks. Les choses, depuis, se sont sensiblement améliorées sur le terrain de la solidarité. J’en veux pour preuve ces vols en partance de Metz ou Strasbourg pour transporter des malades de la région Grand-Est vers des hôpitaux allemands. D’autres pays, le Luxembourg notamment, font de même au bénéfice de l’Italie.
Ces constats amènent une première préconisation que la CFTC formulera dans les instances où elle siège : La Santé doit devenir une compétence européenne ! De la compétence des Etats membres aujourd’hui, ses professionnels comme l’ensemble de nos concitoyens européens payent le prix fort d’un déficit de vision d’ensemble. Qu’il s’agisse, en temps normal, d’information, de formation, d’éducation (les gestes barrières) ou de coordination des dispositifs d’intervention en temps de crise, les budgets alloués pour chacun des systèmes européens de santé gagneraient en efficacité s’ils étaient mutualisés et ciblés selon les priorités et autres urgences.
Pour la Santé, comme pour d’autres secteurs, les difficultés d’approvisionnement devront conduire les européens à relocaliser certaines activités. Comment comprendre et accepter demain que 80% des principes actifs d’un médicament soient produits en Asie ? L’Europe dispose de la « taille critique » pour concevoir, fabriquer, écouler, recycler tous les biens et services nécessaires à son indépendance, a fortiori quand ils mettent en jeu sa sécurité, sanitaire, alimentaire ou encore énergétique. Je n’ignore pas que la chasse aux bas coûts reste la principale motivation de l’éclatement, aux 4 coins du monde, de nos chaînes de production. Je n’ignore pas non plus que nombre de consommateurs européens ne disposent pas des niveaux de revenus permettant le payer le prix de marchandises ou de services produits selon les standards sociaux européens. Le moment venu, la CFTC défendra une politique monétaire et budgétaire européenne à même de compenser ces écarts. Pour ce faire, elle proposera une autre approche de l’« Etat providence » à l’échelle des nations comme de l’Europe.
Dans l’immédiat, la CFTC soutient l’initiative de plusieurs gouvernements européens, dont le français, qui appellent à la création de «Coronabonds». Cet instrument de mutualisation des dettes européennes permettrait de disposer de fonds importants pour supporter les coûts induits par la chute de l’activité ainsi que son redémarrage. Il serait aussi et surtout le signe que l’Europe veut encore, peut encore se donner une chance !