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Anthony Chauveau : « Les sapeurs-pompiers ont un sentiment de ras-le-bol général »

28 mai 2024 | Fonction publiqueSocial

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Mi-mai, la CFTC et les autres organisations syndicales représentant les agents des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ont manifesté ensemble. Confrontés à des insuffisances budgétaires récurrentes, les soldats du feu demandent notamment de meilleures conditions de travail. Ce mardi 28 mai, la mobilisation se poursuit, cette fois-ci sous la forme d’une conférence de presse de l’intersyndicale. Anthony Chauveau, président du syndicat national des sapeurs-pompiers CFTC SDIS, appelle l’Etat et les collectivités locales à réagir vite.

Anthony, pouvez-vous nous expliquer ce qui a motivé l’organisation de cette manifestation des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), ce jeudi 16 mai ?

D’abord, un sentiment de ras le bol général. Nous nous étions déjà mobilisés puis avions fait grève en 2019/2020, mais, cette fois-ci, c’est la première fois que l’intégralité des organisations syndicales représentatives dans les SDIS ont manifesté unitairement. Globalement, nos demandes sont assez similaires à celles que nous avions mises en avant il y a 4 ans. A l’époque, nous avions obtenu la revalorisation de la prime de feu, qui était passée de 19% à 25% (il s’agit d’une prime de risque pour les sapeurs-pompiers). Parallèlement, on nous avait expliqué que nos autres requêtes nécessitaient du temps- notamment une étude approfondie via des groupes de travail – pour être graduellement mises en œuvre. Depuis, beaucoup de rapports ont en effet pointé les problématiques que rencontrent les SDIS. Mais aucune mesure de fond n’a été prise en conséquence.

Vous êtes donc loin de manifester uniquement pour demander le versement de la prime qui avait été promise aux agents des SDIS, à l’occasion des Jeux olympiques ?

Complétement. Les JO, c’est un épiphénomène pour nous, un problème parmi d’autres. Néanmoins, il est assez représentatif des dysfonctionnements qui affectent les conditions de travail et le bien- être au travail des agents des SDIS. Pour faire court, des primes spécifiques pour les JO nous avaient été promises – des aides à la garde d’enfants aussi, analogues à celles dont bénéficient les forces de l’ordre – mais ces dispositifs ne sont pas financés.

Le Ministre de l’Intérieur nous dit que l’Etat n’est pas notre employeur, mais peut assumer la moitié du montant nécessaire, le reste devant être à la charge des collectivités locales. (NDLR : en France, les pompiers sont des fonctionnaires territoriaux, majoritairement embauchés et rémunérés par les départements où ils exercent). Or, ces dernières nous expliquent que l’Etat ne leur attribue pas de budget suffisant pour assurer leur part du versement des primes. En soit, c’est déjà anormal, mais en réalité, ces problématiques liées au financement dépassent largement le simple cadre des JO.

La CFTC et l’intersyndicale, en manifestation ce jeudi 16 mai, à Paris

C’est à dire ?

Schématiquement, l’Etat et les collectivités se renvoient la balle sur la question d’une hausse des financements alloués aux SDIS. Cette augmentation de nos besoins budgétaires est pourtant incompressible. Depuis 2002 et la mise en œuvre des 35 heures, la réduction du temps de travail a nécessité qu’on augmente les effectifs, ce qui a fait grimper nos dépenses de fonctionnement. Ces dernières années, l’inflation sur les dépenses de charges courantes, comme l’électricité et le chauffage, ont également drainé les budgets des services d’incendie et de secours.

Certains bonus importants, comme la prime de feu, ne sont aussi pas réévalués au niveau attendu par les professionnels du métier. Cette prime de risque représente en effet 25% des salaires de base des pompiers, un taux inférieur à celui des policiers et gendarmes, qui est de 28%. Enfin, les fonds mobilisés pour protéger la santé et la sécurité des sapeurs-pompiers sont notoirement insuffisants. 

A quels risques sanitaires les pompiers restent-ils insuffisamment protégés ?

A titre d’exemple, tout un chapitre de nos revendications concerne le risque lié à la toxicité des fumées et aux polluants éternels (PFAS) à laquelle les pompiers sont beaucoup plus exposés que d’autres citoyens. Ce mardi 28 mai, nous dévoilons d’ailleurs les résultats alarmants de tests menés sur 19 pompiers, qui démontrent leur niveau critique d’exposition aux PFAS.

De nouvelles tenues d’incendie, avec une capacité de filtration de 70% des particules cancérogènes, seront sur le marché au second semestre 2024. Nos tenues actuelles n’en filtrent aucune ! Mais si on veut équiper individuellement tous les pompiers de France, ça représente 200 millions d’euros. Si l’Etat ne met pas la main à la poche au travers d’un « pacte capacitaire » pour aider les collectivités à investir, tout le monde ne sera pas équipé rapidement.

Les CFTC et les autres syndicats demandent également un renforcement des dispositifs d’aménagement de fin de carrière.

Oui, c’est une de nos revendications majeures. Du fait de la dernière réforme des retraites, l’âge minimum pour commencer à toucher sa pension est passé à 59 ans pour les sapeurs-pompiers. A notre sens, c’est très inadapté à la pénibilité du métier : imaginez, à presque 60 ans, les efforts déployés pour monter tout en haut d’une échelle à coulisse ou effectuer le sauvetage de personnes prises au piège dans un incendie…Si on ne fait rien, de plus en plus d’agents ne pourront plus aller au bout de leur carrière, parce que leurs aptitudes physiques seront trop dégradées.

Nous demandons donc la mise en œuvre de dispositifs qui permettraient à ces agents de terrain de partir plus tôt, sans grosse dégressivité de leur pension de retraite. A cet égard, nous estimons notamment que les pompiers devraient être – comme les agents des forces de l’ordre – intégrés à la catégorie super active de la fonction publique, qui leur permettrait de partir 10 ans plus tôt à la retraite. Ces emplois publics présentent un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. Aujourd’hui, les sapeurs-pompiers peuvent certes bénéficier d’un départ anticipé à la retraite, mais de seulement 5 ans par rapport à l’âge légal.

Si les lignes budgétaires manquent, comment financer ces changements essentiels à la santé et la sécurité au travail des sapeurs-pompiers et autres agents des SDIS ?

En réalité, il y a des pistes de financement concrètes : à titre d’exemple, plusieurs rapports mentionnent la possibilité d’augmenter la taxe de séjour, et d’instaurer une taxe des locations Airbnb. Ou encore, de mettre avant la « valeur du sauvé » auprès des compagnies d’assurance, pour les faire participer au financement des services d’incendie et de secours. Des solutions existent, elles doivent simplement être mises en œuvre avant que les conditions de travail des professionnels ne s’en retrouvent trop dégradées.

Depuis fin avril, le gouvernement coordonne aussi ce qu’on a appelé le « Beauvau de la sécurité civile ». Ce cycle de concertations vise notamment à repenser le financement des SDIS et des moyens qui leurs sont alloués. Mais si aucune solution ne s’en dégage, la CFTC continuera de se mobiliser avec l’intersyndicale, pour continuer de faire entendre nos revendications.

AC

Télécharger le communiqué de presse de la CFTC SPASDIS, daté du 28 mai

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