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Denis Jeambrun : « La rénovation énergétique du bâtiment nécessite un personnel formé en nombre suffisant »

31 juillet 2023 | Social

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Militant chevronné – actuellement en charge de l’industrie aéronautique et défense à la fédération de la métallurgie CFTC – Denis Jeambrun a représenté le syndicat lors de la 2e Conférence Annuelle des Métiers et des Compétences, consacrée ce 4 juillet aux enjeux des emplois de la transition écologique. Il y aura notamment évoqué les préconisations de la CFTC relatives aux transformations vertes du secteur du bâtiment. Un défi de taille, alors que la France vise à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le secteur du bâtiment est émetteur de plus de 40 % des consommations énergétiques annuelles françaises. Pourtant, les logements à basse consommation énergétique – classés en catégorie A ou B – ne représentent encore que 5% du parc immobilier. Comment y remédier ?

C’est une problématique complexe et systémique. Les objectifs en matière de rénovation énergétique semblent aujourd’hui très ambitieux. C’est une bonne chose, mais la CFTC est profondément attachée à ce que la transition écologique soit juste. Pour l’accélérer dans le secteur du bâtiment, les entreprises du BTP ont donc besoin du soutien financier de l’état. Celui-ci doit être ciblé, planifié et élaboré en concertation avec les organisations syndicales et les autres acteurs concernés. Surtout, il doit profiter à l’économie locale, puisque 90 % des entreprises du secteur en France sont des TPE. Ce n’est pas toujours le cas de certaines aides, je pense notamment aux subventions étatiques accordées à l’installation des panneaux photovoltaïques, qui sont actuellement presque exclusivement produits en Chine. Pourtant, du fait de la nature locale de la construction et de la rénovation, nous devrions avoir plus de facilité pour créer des dynamiques régionales d’emploi et de formation.

Les dynamiques d’emploi dans le BTP posent justement problème, puisque 70 % des entreprises rencontreraient des difficultés de recrutement. Ce manque de création de postes participe-t-il à freiner le renouvellement énergétique du parc immobilier français ?

Absolument, car la rénovation énergétique nécessite un personnel qualifié et formé en nombre suffisant. Plusieurs éléments peuvent expliquer ces carences de recrutement. D’abord, le taux de rupture en cours de formation aux métiers du BTP est très élevé : plus d’un quart des personnes en formation sont en situation de décrochage. Ensuite, la fidélisation des personnes formées dans le BTP est également très difficile : seulement 40 % des jeunes formés exercent dans le secteur trois ans après. Pourtant, les métiers liés à l’écologie – et c’est le cas des professions du bâtiment – sont très demandeurs d’emplois et devraient donc attirer les jeunes. Ce n’est paradoxalement pas le cas, car les métiers du BTP manquent d’attractivité, notamment en raison de la précarisation des emplois du secteur, induite notamment par l’auto-entreprenariat.

Comment pourrait-on rehausser leur attractivité ?

En premier lieu, il faudrait déjà que les travailleurs du BTP puissent bénéficier de contrats de travail plus protecteurs et de salaires décents. En outre, les discussions de cette conférence des Métiers ont porté sur les échéances des emplois du BTP, à l’horizon 2050 : si la rénovation des bâtiments est achevée dans un peu moins d’un quart de siècle, un jeune de 20 ans qui commence aujourd’hui s’exposera-t-il à ne plus avoir de travail en 2050, à l’âge de 47 ans ? Cette question doit être abordée, sinon pourquoi les jeunes s’engageraient-ils dans ces métiers ? En somme, il est important de sécuriser les parcours professionnels des travailleurs du secteur.

Il faut également valoriser la perception des professions du BTP, dans la société en général. Ils souffrent actuellement d’un manque global de considération. J’ai en mémoire un clip de promotion au métier d’enseignant, où une jeune chirurgienne retrouvait son ancienne professeure de biologie, pour la remercier de lui avoir inspiré sa vocation. Il serait judicieux de faire de même pour les métiers du bâtiment.

Les salariés du BTP sont globalement exposés à des risques élevés d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. La loi doit-elle aussi davantage prendre en compte en compte la pénibilité des emplois du secteur ?

C’est une évidence : certaines évolutions du Code du travail ont affaibli la reconnaissance et la prise en charge de contraintes physiques liées aux emplois du secteur. On peut par exemple citer la suppression du compte personnel de prévention de la pénibilité. Son remplacement en 2017 par le compte professionnel de prévention (C2P) avait occasionné le retrait de quatre facteurs de risques auxquels les salariés pouvaient être exposés (les postures pénibles, les vibrations mécaniques, la manutention manuelle et l’exposition à des agents chimiques dangereux), ce qui leur permettait d’obtenir un départ anticipé à la retraite.

Dans le volet « pénibilité » de la réforme des retraites, la CFTC a revendiqué le retour de ces facteurs de risque dans le C2P. Pas entendue jusqu’à maintenant par le gouvernement, elle remettra ce point à l’ordre du jour de l’agenda social de rentrée qui traitera, entre autres, d’usure professionnelle. Ces enjeux doivent également être abordés dans le dialogue social, au plus près du terrain : ce sont aussi via les négociations qu’ils mènent au sein de leur branche ou de leur entreprise, que les salariés pourront améliorer leurs conditions de travail et ainsi rendre les métiers du BTP plus attractifs.

Crédit photographique : www.twpinc.com
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