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« L’appréhension de la formation est plus grande chez les seniors », Mélissa Petit, sociologue

12 mai 2017 | SocialVie pratique

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Rencontre avec Mélissa Petit, Docteur en sociologie, spécialiste des seniors et des enjeux du vieillissement et fondatrice du cabinet d’étude et de conseil Mixing Générations.

Entretien avec Mélissa Petit, sociologue et spécialiste des seniors

Rencontre avec Mélissa Petit, Docteur en sociologie, spécialiste des seniors et des enjeux du vieillissement et fondatrice du cabinet d’étude et de conseil Mixing Générations.

Que veut dire être « senior dans l’emploi » ?

Cela représente la moitié de notre parcours professionnel, 20 ans de notre vie, puisque l’on est senior à 45 ans. Le problème, c’est le regard qu’on porte sur les seniors encore en activité ou dans la société de manière générale. Il est négatif. Comme si, après 45 ans, nous perdions nos compétences et n’avions plus rien à apporter à l’entreprise. Il est aussi question du regard que les seniors portent sur eux-mêmes. Ils vont spontanément moins saisir l’offre de formation, il peut y avoir une forme de désengagement, notamment sur la fin de carrière. L’appréhension de la formation est plus grande chez les seniors.

Peut-on parler de discrimination ?

Oui. La discrimination par l’âge est la plus importante. Malgré les dispositifs existants, l’embauche des seniors est compliquée. Le taux de chômage de leur tranche d’âge est lié à de nombreuses idées reçues : manque de compétences, incapacité à utiliser les nouvelles technologies, salaires trop élevés, difficultés à s’adapter aux autres générations. Or, ces stéréotypes sont faux. Les 50 ans et plus sont très bien connectés ! On met en avant des éléments négatifs, alors que les compétences, le savoir-être, le savoir-faire, les valeurs de vie, les connaissances de l’entreprise, de la société ou d’un sujet sont de nombreux atouts qu’ont les seniors. On peut, par exemple, les positionner sur des métiers qui nécessitent de la coordination. Leur expérience peut leur permettre d’aiguiller des travaux en binôme, dans des équipes multigénérationnelles. En revanche, il faut anticiper l’épuisement au travail et la pénibilité de certains métiers en faisant transiter les seniors vers d’autres postes, lorsque c’est nécessaire.

Quel est le principal enjeu de l’emploi des seniors ?

Il faut un positionnement de société où nous nous apportons les uns aux autres. Il faudrait valoriser des modèles de senior dans l’emploi et que ceux-ci ne soient pas systématiquement des modèles de managers. Des vidéos, des articles, ou des rencontres multigénérationnelles sont nécessaires pour y parvenir. Notre société cache les signes de l’âge. Par exemple, la publicité met en avant les personnes de 50 ans pour parler de personnes de 60 ans. D’autre part, au-delà de l’employabilité ou du maintien dans l’emploi, il faut considérer tout ce qui s’y joue : les relations entre collègues, les liens avec d’autres générations, l’accompagnement dans l’acquisition de compétences, etc.

Comment peut-on changer ce regard sur les seniors dans l’emploi ?

Il y a un levier à activer sur le décloisonnement des générations, dans la société et dans l’entreprise. Il faut trouver des lieux de rencontre pour échanger et déconstruire nos propres représentations. Une politique publique sur le parcours de vie est nécessaire. Nous sommes les seniors de demain. Il faut des politiques publiques adaptées à l’agilité que l’on nous demande de plus en plus dans le domaine de l’emploi. Si l’on arrive à avoir des politiques plus flexibles et sécurisantes pour les seniors, cela améliorera leur situation sur le marché de l’emploi.

Propos recueillis par Caroline Pépin.

Crédit photographique : Caroline Pépin.

La difficile situation des femmes seniors

Mélissa Petit : « L’injonction à la beauté est plus forte chez la femme que chez l’homme. Elle est liée à la question de la ménopause. On aime et vénère la femme pour son aspect physique et sa capacité à donner la vie. À la ménopause, le corps n’est plus là pour être regardé, et de fait la femme est moins regardée. Par exemple, je travaille actuellement sur les actrices de plus de 50 ans à l’écran. Elles se rendent compte qu’il n’y a plus de réels rôles après cet âge-là. On ne montre pas la pluralité des femmes à l’écran. Du coup, il manque de rôle modèle pour les autres générations et les femmes de 50 ans elles-mêmes. Cela pose la question de leur employabilité. L’objectivité est-elle toujours là ? »

Certaines associations comme Force Femmes se sont emparées de cette problématique de l’emploi des femmes seniors.

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