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Lutter contre le non-recours est une source de gains

22 décembre 2016 | Social

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Regarder ce qui se passe du côté des « non-recourants » peut souligner quelque chose d’intéressant sur nos politiques publiques et sur d’éventuels dysfonctionnements administratifs. En matière de santé, des ayants droit ne bénéficient pas de leurs prestations. Héléna Revil, chercheuse à l’Odenore, cet Observatoire des non-recours aux droits et services qui planche sur le sujet, donne des pistes pour comprendre le phénomène.

non-recours

Rencontre avec Héléna Revil, chercheuse à l’Odenore

Comment définir le non-recours ?

C’est un phénomène qui renvoie à la situation de personnes éligibles à des offres publiques et qui n’en bénéficient pas. Nous parlons des prestations, mais également des services. L’étude de ce phénomène consiste à s’interroger sur le fait que des offres publiques n’atteignent pas ou ne sont pas saisies par les populations à qui elles sont destinées.

Pourquoi étudier le non-recours ?

Avant même d’étudier le pourquoi du non-recours, il faut admettre son existence. On a toujours cette impression, et ce particulièrement en France, que la mise en place d’un droit ou d’un service débouche systématiquement sur son utilisation. Notre système de couverture maladie a par exemple l’ambition de couvrir toute la population. Pour parvenir à cet objectif, les pouvoirs publics ont créé une série de dispositifs ciblés qui se sont superposés les uns aux autres. Malgré cela, des personnes demeurent sans couverture. Pourquoi ? Parce qu’on ne s’interroge pas toujours suffisamment sur le chemin à parcourir pour accéder aux droits et services, ni sur les dispositifs en eux-mêmes. Regarder ce qui se passe du côté des « non-recourants » peut souligner quelque chose d’intéressant sur nos politiques publiques et sur d’éventuels dysfonctionnements administratifs.

Avez-vous une idée de la proportion de non-recourants ? Et comment avez-vous procédé puisque ces personnes sont absentes des statistiques des organismes de protection sociale ?

On ne peut pas utiliser les instruments statistiques classiques pour chiffrer le non-recours ; c’est pour cela qu’à l’Odenore, nous mettons en place nos propres instruments et protocoles. Nous avons pu établir ainsi des fourchettes. Par exemple, selon le territoire, le taux de non-recours à la CMU-C varie entre 15 et 30 %. Pour l’Aide à la Complémentaire Santé (ACS), on se situe entre 60 et 70 %. Quand on est à des niveaux aussi hauts que ceux de l’ACS, ce n’est peut-être plus seulement l’effectivité du droit qu’il faut questionner, mais sa pertinence.

Pouvez-vous établir une typologie du non-recourant ?

Le non-recours n’est pas un phénomène monobloc. Il regroupe des situations très variées.
Dans le cas de la non-réception, par exemple, les usagers engagent les démarches, mais n’obtiennent pas ou partiellement ce à quoi ils ont droit. Il ne s’agit pas de personnes marginalisées, mais plutôt de personnes dont les situations de vie sont fragiles.
Nos enquêtes permettent de dégager d’autres lignes directrices. Dans le cas du non-recours aux soins, les personnes en emplois précaires seront un peu plus touchées. Les familles monoparentales sont également particulièrement exposées, avec des conséquences sur les enfants, notamment en santé bucco-dentaire. L’isolement et la précarité relationnelle augmentent les probabilités de non-recours. L’environnement social joue un rôle important en matière d’accès aux droits et aux soins. Autre contexte critique : les périodes de décohabitation. Lorsque les enfants partent de chez leurs parents, par exemple, cela peut s’accompagner de non-recours.

Comment réagissent les organismes de protection sociale devant ce phénomène ?

Ils ont progressivement changé de vision sur cette question. Lutter contre le non-recours était initialement perçu comme une source de dépenses supplémentaires. En réalité, cela peut être une source de gains. D’abord parce que le renoncement aux soins peut provoquer une dégradation de l’état de santé des personnes concernées et impliquer, au bout du compte, une prise en charge plus coûteuse pour l’Assurance maladie. Agir sur le non-recours en matière de santé relève ainsi d’une logique de prévention, qui peut permettre de dépenser moins à plus long terme. Ensuite, parce que les allers-retours multiples de dossiers concernant des prestations comme la CMU-C ou l’ACS ont également un coût pour les Caisses primaires d’assurance maladie. Les organismes sociaux sont de plus en plus sensibles à cette question.

Mais alors quelles réponses ces organismes de protection sociale proposent-ils ?

Depuis quelques années, on voit émerger des actions et dispositifs expérimentaux sur le non-recours. Par exemple, l’Odenore a travaillé au déploiement d’une plateforme d’intervention départementale pour l’accès aux soins et à la santé (PFIDASS) avec la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) du Gard. Suite au diagnostic du renoncement aux soins, l’idée a été de mettre en place un dispositif de détection du renoncement, en impliquant les professionnels du social et de la santé. Les situations repérées font désormais l’objet d’une saisine de la PFIDASS, qui propose des réponses adaptées aux besoins identifiés des « renonçants ». Un autre objectif est d’aider les personnes à se réapproprier les questions relatives à leur santé et à reprendre leur parcours de soins.
À l’échelle nationale, l’Assurance maladie chapeaute toutes les initiatives relatives au non-recours grâce au Plan d’accompagnement du non-recours, des incompréhensions et des ruptures (Planir).

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